Lieu historique national de la Grosse-Île-et-le-Mémorial-des-Irlandais | l'Encyclopédie Canadienne

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Lieu historique national de la Grosse-Île-et-le-Mémorial-des-Irlandais

La Grosse-Île mesure 2,9 km de long sur 1 km de large et est située dans l'estuaire du Saint-Laurent à 46 km en aval de Québec. L'île est une crête appalachienne au contour découpé par des anses et des caps. Elle est l’une des 21 îles qui composent l’archipel de l’Isle-aux-Grues. Elle est aussi connue sous le nom d’île de Grâce (son nom ancien) et d’île de la Quarantaine. De 1832 à 1937, elle sert de station de quarantaine pour le port de Québec. Au cours de cette centaine d’années d’activité, plus de 4 millions d’immigrants y transitent, dont près de 90 000 pendant l’année « noire » de 1847. Étroitement liée à la mémoire de l’immigration irlandaise au Canada, la Grosse-Île est un lieu historique national du Canada administré par Parcs Canada; le site est ouvert au public.
La croix celtique, Grosse-Île
Érigé en 1909 par l'Ancient Order of Hibernians, ce monument honore la mémoire des immigrants irlandais victimes du typhus en 1847-1848.
Grosse-Île
Située au milieu du fleuve Saint-Laurent, la Grosse Île sert de station de quarantaine de 1832 à 1937 pour le port de Québec. Il s'agit, à l'époque, de la principale porte d'entrée des immigrants au Canada.

L’épidémie de choléra de 1832

L'île de Grâce est concédée au gouverneur Charles Huault de Montmagny, en 1646. L'usage transforme le nom d'île de Grâce en celui de la Grosse-Île. En 1832, l'île est déserte et on la transforme en station de quarantaine pour les immigrants afin d'éviter la propagation des maladies infectieuses et plus particulièrement du choléra. Lors de sa première année d’activité, 51 746 immigrants d'Irlande et d'Angleterre y sont examinés sur un total de 61 800 accueillis au Canada. Malgré ces efforts, une épidémie de choléra se propage en 1833-1834 à Québec et à Montréal, faisant respectivement 3 800 et 1 900 victimes.

\u00c9migrants irlandais
Des émigrants irlandais tenant \u00e0 la main quelques effets personnels attendent d'embarquer \u00e0 bord d'un bateau pour aller en Amérique du Nord. Des millions d'Irlandais furent forcés de quitter leur pays en raison de la famine qui y sévissait (Archives nationales/C-3904).

L’épidémie de typhus de 1847

À partir du printemps 1847, dans la foulée de la Grande Famine qui sévit en Irlande, l’Amérique du Nord doit faire face à l’arrivée de plusieurs milliers d’immigrants irlandais, souvent mal en point, souffrant de malnutrition et atteints du typhus, la « fièvre des navires » Les immigrants irlandais embarquent dans des navires insalubres et leurs conditions sont inhumaines. En 1847, ce sont 441 navire qui transportent les immigrants au Canada à destination du port de Québec. La traversée dure de 6 à 9 semaines. Plus de 5 000 passagers sont morts pendant la traversée. Dans la station de quarantaine de l'île, le docteur George M. Douglas et son équipe retirent quelque 2 200 cadavres des bateaux, examinent 90 150 immigrants et inhument au moins 5 424 corps cette même année. Rapidement, les installations ne suffisent plus et une douzaine de nouveaux grands bâtiments sont érigés dans l’est de l’île afin de recevoir les patients atteints du typhus. On envoie aussi des bateaux à Pointe-Saint-Charles, à Montréal, où 6 000 immigrants irlandais décèdent et sont enterrés. Malgré toutes les précautions, le typhus se propage à Québec et à Montréal et des médecins, des employés, des marins, des prêtres et des religieuses meurent en service.

D’autres villes et ports canadiens sont également atteints par l’épidémie, notamment Toronto , Kingston et Saint John. En tout et pour tout, le typhus aura fait 20 000 victimes au Canada en 1847.


Recherche, transformation et amélioration des installations

En 1869, le Canada adopte l’Acte d’immigration qui réglemente le nombre de passagers pouvant monter à bord d’un navire et insiste sur leur sécurité au cours du voyage en mer et à leur arrivée au pays (voir Politique d’immigration canadienne). Le Canada établit également un service de quarantaine de plus en plus fiable et moderne.

Grosse-Île, Québec
L'aile nord du bâtiment de désinfection, vers 1922
Grosse-Île, Québec
Une des trois étuves de désinfection des bagages
Grosse-île, Québec
Logements du secteur ouest de la Grosse-île. On peut voir l'hôpital du choléra construit en 1832
Grosse Île, Québec
L'église catholique dans le centre du village construite en 1874 ainsi que le presbytère, ancienne résidence du commandant militaire bâtie en 1848, photographie vers 1905
Grosse-Île, Québec
Station de quarantaine pour immigrants, Grosse-Île, Québec, juin 1929
Grosse Île, Québec
Quai du secteur ouest de la Grosse Île, bâtiment de désinfection, bâtiment de détention et aqueduc, vers 1900-1905

À la Grosse-Île, le docteur Frederick Montizambert, directeur médical de 1869 à 1899, joue un rôle majeur dans la transformation de l’île et la modernisation des installations. Son objectif est de séparer les immigrants malades des voyageurs en santé ou en observation et de traiter les malades dans des installations différentes. Le centre de l’île (appelé le village) est réservé au personnel. On construit un hôpital moderne et spécialisé dans les maladies infectieuses (1881) dans l’est de l’île et on aménage un bâtiment de désinfection (1892) à proximité du quai ouest afin de désinfecter les passagers et leurs effets personnels dès leur arrivée. On construit également des hôtels de première, deuxième et troisième classe au début du 20e siècle afin d’accueillir les passagers en bonne santé, mais devant néanmoins se soumettre à la quarantaine.

Après plus de 100 ans d'activité, la station de quarantaine ferme ses portes en 1937. À partir de la Deuxième Guerre mondiale, la Grosse-Île est le site de recherches bactériologiques secrètes et demeure longtemps interdite au public. De 1957 à 1984, elle redevient un lieu de quarantaine, mais pour les animaux exportés au Canada.

Commémoration et mise en valeur

En 1974, la Grosse-Île est reconnue comme un lieu d’importance historique nationale. Le cimetière des Irlandais, le lazaret (1847), un monument érigé à la mémoire des médecins de la station (1853) ainsi que la croix celtique (érigée en 1909 par l’ancien Ordre des Hiberniens) rappellent l'histoire tragique de l'île.

Le cimetière des Irlandais, Grosse-Île
Le cimetière des Irlandais a été aménagé dès 1832 sur un espace plat entre des crans rocheux au sud-ouest de la Baie du choléra. On fit, dans ce cimetière, des inhumations individuelles jusqu'en 1847. Cette année-là, en raison de la forte mortalité causée par le typhus, on creusa de longues tranchées dans lesquelles, selon certains témoignages, jusqu'à trois rangs de cercueils étaient superposés! Le relief du cimetière signale encore la présence de ces fosses communes.
Chapelle catholique, Grosse-Île
La chapelle catholique construite en bois en 1874, occupait le centre stratégique de la Grosse-Île.

Depuis 1993, le site est géré par Parcs Canada. Afin de reconnaître son importance dans l’histoire de l’immigration au Canada, et plus particulièrement l’expérience migratoire des Canadiens d’origine irlandaise, le site de la Grosse-Île porte depuis 1996 le nom de « Lieu historique national de la Grosse-Île-et-le-Mémorial-des-Irlandais ». Le Mémorial de la Grosse-Île, réalisé par l’artiste Lucienne Cornet et inauguré en 1998, commémore les milliers d’immigrants et les membres du personnel décédés sur l’île. Le site est ouvert au public de mai à la mi-octobre et accessible par bateau seulement.

Voir aussi Les orphelins de la famine en Irlande au Canada

En savoir plus // Les Irlandais au Canada

Lecture supplémentaire

Liens externes